Le SNETAA reçu par la ministre déléguée à l’Enseignement et la Formation professionnels : espoir ou enfumage ?

Le premier syndicat des lycées professionnels, le SNETAA, a été reçu, le dernier, en audience par la nouvelle ministre déléguée à l’Enseignement et à la Formation professionnels, Carole Grandjean.

Quand l’annonce de ce ministère a suscité un réel espoir pour la réindustrialisation du pays, pour la reconnaissance des métiers dits invisibles, comme une chance pour tous les jeunes avec d’autres talents que l’abstraction universitaire qui ne leur rend pas hommage, quand ce ministère peut promettre de meilleures possibilités d’insertion tant dans l’emploi que dans l’enseignement supérieur, quand il peut être une chance de remettre en ordre un système de formation qui marche sur la tête depuis la loi Pénicaud (« pour la liberté de choisir son avenir professionnel »), quand il paraît aussi une chance pour les entreprises de recruter enfin des salariés qualifiés qui leur manquent, le SNETAA n’a toujours pas obtenu une feuille de route claire, exigeante et prometteuse ! 

Si la ministre déléguée a été choisie parce qu’ancienne rapporteure de la dite loi Pénicaud qui pourtant pulvérise les records de déficits et a accru comme jamais l’inadaptation des formations au marché de l’emploi, on peut lui laisser le bénéfice de vouloir transformer un secteur au service des enfants, des jeunes et des personnels de la voie pro, partout invisible. 

Le SNETAA-Fo ne saura se satisfaire de mesurettes éculées contre une jeunesse qui hurle son désespoir et conteste son assignation, tout autant qu’elles ont fait la preuve de leur inefficacité pour le premier employeur de France, les petits commerçants et artisans qui désespèrent de recruter des salariés qualifiés.

Car il ne suffit pas de traverser la rue pour obtenir un emploi ! L’entreprise a besoin de salariés aux qualifications reconnues y compris dans les « petits-métiers » véhiculant le cliché qu’il est possible pour n’importe qui de les occuper. Non ! L’accès à l’emploi nécessite aussi les codes des savoir-être d’une société qui s’est radicalement transformée. Le plein emploi ne se fera que si les salariés maîtrisent autant les technologies des métiers que les savoirs fondamentaux. Nous ne formons pas uniquement des producteurs mais des citoyens aux soft skills tant convoités.

La ministre va-t-elle reconnaître les professeurs spécialistes en pointe des métiers – les professeurs de lycée professionnel (PLP) – les encourager et les mobiliser autour d’un projet fédérateur au service de la jeunesse et de notre École républicaine qui ne répond plus à son objectif d’égalité des chances pour tous ? 

Pour ce faire, le SNETAA-Fo n’acceptera ni des propositions cosmétiques (FCIL et autres classes passerelles bidons) ni des discussions d’enfumage autour du seul projet de liquider le lycée professionnel au détriment d’un apprentissage que les entreprises ne veulent pas pour les jeunes dont nous avons la charge ! 

Nous verrons bien si les protagonistes de la loi Pénicaud ont gagné la bataille idéologique sur le Président. Si c’est le cas, le SNETAA se lèvera contre eux car c’est d’évidence des promesses de déficits supplémentaires et la casse d’un avenir auquel la jeunesse a droit. 

Le SNETAA porte un projet systémique pour réussir la réindustrialisation du pays, pour refaire du lien entre les citoyens autour d’une culture commune solide de savoirs fondamentaux. C’est-à-dire, dès le collège, repérer tous les talents des enfants, donner plus de bases à ceux qui sont assignés à la naissance, faire découvrir la réalité des entreprises par l’initiation à la micro-économie et présenter le large spectre des métiers. C’est-à-dire avoir la volonté de ressouder des citoyens qui s’opposent aujourd’hui sans se comprendre. L’École doit pouvoir refaire nation autour de la laïcité qui n’exclut personne mais apprend à chacun le respect de l’autre dans ses différences. Cela nécessite de renforcer les diplômes de l’enseignement professionnel du CAP à la licence. Pour enfin réussir une orientation qui ne se fasse pas par l’échec.

La ministre doit aussi promouvoir un enseignement supérieur professionnel clairement identifié, reconnu, en créant un bachelor professionnel (L3) en lycée professionnel.

Fera-t-elle des 70 000 professeurs de lycée professionnel titulaires et contractuels l’élite des métiers et des savoirs fondamentaux ? 

Pour établir une telle feuille de route, il faut mettre l’enseignement professionnel initial, public et laïque et les acteurs de l’économie réelle autour de la table pour 1/ déboucher sur des mesures d’urgence pour les jeunes en cours de formation 2/ discuter, négocier et aboutir avec les professeurs à une réforme systémique qui rattrape les terribles loupés d’un collège unique qui ne parvient plus à être l’ascenseur social. 

Bref, il nous faut une réelle volonté politique contre tous les lobbys qui ont meurtris les ambitions de l’École pour redonner une réelle première chance pour toutes et tous. 

Avec les salariés invisibles applaudis pendant les confinements, avec les 8 millions de salariés titulaires d’un CAP ou d’un baccalauréat professionnel, NOUS, professeurs de lycée professionnel, nous n’avons qu’une alternative : rester stigmatisés – « ces gens-là », rester relégués dans un profond mépris de classe… ou mener le combat – NOUS, si fiers d’être PLP, porteurs de réelles valeurs humanistes qui respectent chacune et chacun dans ses différences – pour ré-enchanter notre métier ! 

Notre choix est fait : nous porterons nos mandats sans faillir !

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