Lettre ouverte du SNETAA-Fo, premier syndicat de l’enseignement professionnel, à Jean CASTEX, nouveau premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, 

Le SNETAA-FO, premier syndicat de l’enseignement professionnel depuis 1968, vous félicite pour votre nomination au poste de Premier ministre. 

L’urgence du moment nous pousse à vous engager pour l’enseignement professionnel initial, public et laïque : engagez-vous pour la jeunesse de notre pays ! Engagez-vous pour l’enseignement professionnel ! Engagez-vous pour des salariés mieux qualifiés et formés ! Engagez-vous pour l’économie réelle et enracinée ! Engagez-vous pour consolider les vrais spécialistes de la formation, les professeurs de lycée professionnel ! 

à l’heure où vous venez d’être nommé Premier Ministre par le Président de la République, la situation économique du pays oblige à un plan d’urgence pour la jeunesse, la formation et l’accompagnement des enfants et jeunes adultes les plus fragiles. 

Elle oblige à consolider les professeurs de lycée professionnel ; ces professeurs spécialistes des métiers, de la formation professionnelle, de l’éducation doivent trouver appui dans leur mission par leur expertise sur l’économie enracinée (artisans, petits commerçants, petites industries), leur pédagogie de la réussite alliant professionnalisation, culture générale, éducation et insertion à l’emploi et dans l’enseignement supérieur. 

Dès l’émergence de l’épidémie de la COVID-19, le SNETAA s’est tout de suite projeté sur les conséquences pour la rentrée de septembre. 700 000 jeunes arrivent sur le marché de l’emploi après chaque été. Cette jeunesse va se retrouver devant des impossibilités d’insertion du fait des faillites, non seulement des grandes entreprises, mais des TPE, souvent unipersonnelles, souvent « invisibles» en macro-économie mais qui sont pourtant le premier employeur de France. 

Ce que nous attendons de votre nouveau gouvernement, c’est de profiter de ce moment pour inciter tous les enfants à s’engager dans une poursuite d’études au plus loin de leurs possibilités : s’engager en bac pro pour les jeunes titulaires du CAP, entamer des études supérieures ou de qualifications complémentaires (MC, FCIL, classes passerelles) pour les bacheliers professionnels ou se former en licence professionnelle pour les titulaires de BTS. 

Cette période économique annonce des jours sombres pour l’emploi et les entreprises. Engageons-nous pour augmenter les qualifications des jeunes et faire de la France de demain un pays de salariés formés, qualifiés, armés pour mener la ré-industrialisation de la France dans un monde globalisé.

J’engage le gouvernement à faire de cette période une chance pour notre jeunesse, pour l’enseignement professionnel, pour la formation des travailleurs (initiale et continue) afin de dépasser les difficultés qui s’amorcent, pour bâtir le pays de demain, solidaire, fraternel, heureux. Voilà l’ambition du SNETAA !

Cela passe par la reconnaissance des métiers, de l’enseignement professionnel initial, de la formation continue et de leurs professeurs spécialistes, les PLP

Il faut remettre à plat ce canard boiteux idéologique qui oppose apprentissage et école. Depuis 1972 avec Jacques Chaban-Delmas, la pensée unique grippe tout : cette idéologie qui veut que le tout apprentissage serait la clef de la réussite est une faillite. Ils s’y sont tous obstinés dans l’échec, d’Edith Cresson à Jean-Louis Borloo, de Nicolas Sarkozy à François Hollande. L’ex-ministre du Travail, Muriel Penicaud, s’est elle-aussi complètement plantée, nourrie d’une idéologie déconnectée de la réalité, de la vraie-vie des gens et des entreprises : j’en veux pour preuve le coup de pied dans ce qui fonctionnait (le registre des diplômes), la création d’un nouveau machin dont personne ne peut percevoir ni l’utilité ni le bienfait sur le terrain économique, le financement des CFA, l’opposition entre territoires, régions et État. Les dégâts sont immenses et le SNETAA vous invite, Monsieur le Premier ministre, à écrire une nouvelle feuille de route pour engager un projet lisible, crédible, discuté avec ses représentants.
Discutons aussi des métiers, traditionnellement, qui existent par l’apprentissage ; ils doivent pouvoir être consolidés. L’apprentissage réussit quand il est « une formation intégrée de l’enseignement supérieur » (apprentissage du supérieur au niveau licence, master 1-2, diplômes d’ingénieurs). Il s’agit de comprendre désormais, et avant qu’il ne soit trop tard, que les tout jeunes qui nous arrivent sont des enfants qui ont besoin d’être mieux armés, consolidés par l’École. Bref, il faut donner plus à ceux qui n’ont pas les mêmes chances à la naissance. Pour eux, l’École est leur seul capital, leur seul patrimoine. C’est pour eux qu’il faut bâtir l’espérance.

Cela passe par l’ouverture de milliers de places supplémentaires en lycée professionnelAucun jeune ne doit être sans solution ! L’École est là pour tous les jeunes : ceux qui sont en rupture scolaire, ceux qui sont en rupture de la société, ceux qui subissent les discriminations et qui s’orientent vers le cul-de-sac communautariste, ceux qui ont besoin de plus de temps, ceux qui ont la passion d’un métier, ceux qui veulent réussir leur vie en étant des citoyens libres et éclairés. 

L’engagement pour la jeunesse doit se concrétiser par des mesures immédiates.

Elles passent par le lycée professionnel. 

Elles passent par les professeurs de lycée professionnel !

Ces professeurs d’État, spécialistes, sont des professionnels de l’éducation, des métiers, de la formation. Expérimentés en entreprises, universitaires des disciplines consolidant la culture générale chez les jeunes, ils connaissent le monde de l’entreprise, les petits patrons, les métiers, le marché, l’emploi. Ils ne sont pas des professeurs comme les autres. Maltraités par une administration centrale technocrate et souvent condescendante, ils sont murés dans des processus iniques de carrière (PPCR, mutations, promotions), de formation que l’on cherche toujours à unifier, à homogénéiser, à dénaturer pour demain les faire disparaître dans un corps unique de professeurs du second degré.

Nous refusons d’être caporalisés par tous ceux qui ont amené l’École de la République à être de plus en plus inefficace, inefficiente, et qui crève d’idéologies non renouvelées. 

Les professeurs de lycée professionnel ont besoin d’air, de souffle pour libérer leurs initiatives. Ils crient pour défendre partout la laïcité. Ils s’engagent pour bâtir l’avenir des travailleurs et des citoyens éclairés.

Le SNETAA vous demande instamment, Monsieur le Premier ministre : 

  • un plan d’urgence pour la jeunesse de ce pays ;
  • l’École pour toutes et tous avec l’ouverture de milliers de places pour les enfants en SEGPA, en EREA ; 
  • des milliers de places supplémentaires pour les jeunes en lycée professionnel ;
  • la création immédiate de nouveaux diplômes porteurs d’avenir en particulier pour le grand-âge, les métiers du digital, de l’environnement : nous portons ces projets.
  • la qualification au rythme de chaque jeune : des CAP 3 ans partout ; 
  • la valorisation réelle, immédiate dans une gestion propre et proche, des professeurs de lycée professionnel et de tous les personnels de la voie pro ;
  • l’écoute de tous les personnels, sur le terrain, en impulsant immédiatement des projets d’établissements forts ; ils fédéreront les énergies et tous les talents avec les entreprises locales, les associations de quartiers, les parents d’élèves, pour faire changer la vie déjà écrite des 700 000 jeunes dont nous nous occupons chaque année. 

Le SNETAA-Fo vous reste disponible pour mener à bien cette ambition si elle venait à être partagée. 

Je vous prie de croire, Monsieur le Premier ministre, en l’expression de mon engagement plein et entier pour l’École de la République. 

Je vous souhaite pleine réussite dans votre mission au service de notre pays. 

Pascal VIVIER

Secrétaire Général 

SNETAA-FO